Marine BOUILLOUD


Notes d'atelier sur la série Mondiales Vanités, Marine Bouilloud, juillet 2007

Le travail récent s'élabore sous forme de « collage » mental et formel.
La géopolitique, l'économie mondiale, l'exploitation des suds par les nords, l'écologie, les cultures minoritaires traditionnelles, les vanités forment le sujet et la matière du jeu pictural.

Celui-ci se révèle et s'impose après digestion des diverses sources d'inspiration :
-L'éventail de l'art japonais : le nihonga, les yokaïs, le katagami… Hokusai et sa peinture mystérieuse et atemporelle.
-Les primitifs flamands et italiens : Hans Holbein, Bosch, Van Eyck, Uccello.
-Les vanités
-L'art cinétique, les illusions d'optique, la puissance des couleurs de Vasarely à Bridget Riley en passant par le psychédélisme des affiches sixties.
-La figuration narrative et ses petits copains : Peter Saul, le jeune Léopold Rabus…
-L'art critique sociale : de Bazooka, à l'humour cinglant d'Hara Kiri et du dessin de presse.
-L'enluminure et l'ornement médiéval.
-L'étude du motif dans l'art aborigène et l'art brut.

L'entreprise du peintre consiste à tenter d'embras(s)er le monde des idées et celui des sens au sein du tableau.
La composition est fragmentée, le dessin se confond à la peinture, laissant apparaître des morceaux de toile brute, les éléments se collent, se chevauchent, s'imbriquent, fusionnent et disparaissent les uns sous les autres.
La peinture, tel un jeu de pistes, s'offre à l'œil du regardeur.
La couleur criarde l'agresse et le séduit, le guide et le perd dans la trame narrative.

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Notes d'atelier sur la série Jardins Sauvages, Marine Bouilloud, septembre 2008

La série Jardins Sauvages regroupe une quinzaine de peintures sur papier de 30 x 30 cm, une estampe sérigraphiée et cinq grands tableaux - 3 de 120 x 120 cm et un diptyque de 120 x 240 cm -.
Elle a été élaborée entre mai et septembre 2008.

J'ai commencé à réaliser des dessins à partir de photos macroscopiques d'insectes. Puis, dans un processus de distanciation, je leur ai fait subir des transformations infographiques et les ai utilisé comme base d'étude pour peindre de grands formats aux fonds noirs et aux couleurs fluorescentes.
L'étrange Odyssée, Game Over Cellulaire, Spaghettis volants, Insecticide, autant de titres évoquant les manipulations génétiques, une interrogation sur le vivant, la biologie et l'artifice. L'ensemble du travail revêt un style volontairement décoratif à l'instar de ces tomates parfaitement rouges et rondes des supermarchés qui ne pourrissent jamais...
Jardins Sauvages, jardin des délices, jardins oniriques... Le jardin, symbole du Paradis terrestre de la Genèse qui se transforme en enfer menaçant à l'époque des OGM et des aberrations climatiques ?
Cette série hybride un ensemble de recherches sémantiques et formelles qui travaillent ma peinture depuis 2006 en développant la relation fond / forme, la construction d'espaces flottants, le motif et les contrastes colorés; dans une perspective de plus en plus graphique.
Quelques dessins sont sélectionnés et reproduits en grand format sur toile, soit à l'identique, soit par le biais de retouches et manipulations infographiques visant à déstructurer l'image dessinée.
Cette méthode de travail me permet d'analyser les transitions qui s'opèrent entre la représentation mentale dessinée par la main de manière artisanale puis celle qui surgit transformée par le logiciel et la machine (ordinateur).
Le recours au logiciel me permet d'interroger la question du « style », pour explorer une plus grande variété de langages et opérer une remise en question de l'image au moyen de différents procédés de destructuration : anamorphose, aplatissement, mise en évidence du pixel pour créer un basculement entre figuration et abstraction…

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Notes d'atelier, mars 2008

Dans l'édito du hors série trimestriel d'art press sur la figuration narrative qui vient de paraître à l'occasion de la retrospective qui aura lieu au Grand palais du 16 avril au 13 juillet 2008, Catherine Millet énonce, dans le contexte de la création du mouvement dans les années 1960 :

« Rien n'était plus honnis par le formalisme que la peinture qui se donne un autre objectif que celui de se révéler elle-même, qui prétend "raconter". Or ce que ce raisonnement négligeait c'est que si la peinture renonçait à figurer, elle abandonnait la responsabilité de la fabrication des images aux autres médias plus largement diffusés et plus populaires. Toutefois la narration n'empêcha pas les artistes de se préoccuper de formes… Revisiter un courant longtemps après sa naissance a pour bénéfice de renouveler les approches… Et la volonté de bien narrer, précisément, les conduisit à expérimenter des solutions induites par le formalisme : mise en question et sortie du cadre, renforcement des contrastes de couleurs, tension de la bi-dimensionnalité… »

Quatre ans après la fin de mes études à l'école des Beaux-arts de Rennes, ces propos m'inspirent la fin d'une absurde guerre qui fut certainement légitime, il y a quarante ans de cela, mais plus aujourd'hui. La génération de peintres français qui a précédé la mienne n'a eu de cesse de devoir se justifier d'appartenir à un camp ou un autre, ceux qui traitent l'image, ceux qui la rejettent. Les disciples de B.M.T.P et Supports-Surfaces d'un côté, ceux de la Nouvelle figuration de l'autre et, entre les deux, les héritiers centristes de l'expressionnisme abstrait ? Au-delà de nos frontières, Gerhard Richter a joué les empêcheurs de tourner en rond en faisant l'économie d'une posture figée, pour cela entre autres la force et la pertinence de son œuvre ont inspiré nombre de ses contemporains. Si j'ai choisi la peinture depuis plusieurs années c'est parce que la variété de langages qu'elle permet de créer ouvre des champs d'explorations infinis et un moyen de faire se rencontrer la grande Histoire, (à laquelle l'histoire de l'art est intimement liée), celle des enjeux du monde d'aujourd'hui, aux particularismes et à la singularité de la petite histoire du peintre et de ses influences.
Ainsi ma démarche picturale questionne la peinture et le monde en marche en se nourrissant de diverses sources d'inspirations :
Reportages radiophoniques, presse et films documentaires issues de courants de pensées altermondialistes (Le cauchemar de Darwin d'Hubert Sauper, We feed the world d'Erwin Wagenhofer) essais géopolitiques (L'Empire de la honte de Jean Ziegler) et une certaine forme de culture underground. J'essaie de concevoir et construire l'espace projectif de la toile comme une caisse de résonance dans laquelle la couleur déploie sa charge explosive pour interroger l'observateur avec énergie.